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26 janvier 2021
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A huit heures, nous étions sur le sommet du Mont-Valier, ni moins heureux ni moins fiers que le premier consul sur le sommet des Alpes !

Pour l’amour de votre âme, arrachez-vous, un jour, aux soucis énervants des affaires, au tumulte d’une vie factice et surmenée, et allez, une heure seulement, habiter une de ces solitudes aériennes où nul bruit d’en-bas ne trouve son écho. Là vous sentirez dans un frisson divin le réveil de vos nobles facultés atrophiées par l’atmosphère malsaine des cités. 
Nous sommes le 3 août 1885 lorsque nous voilà partis vers le Mont-Valier en ce premier jour d’excursion. La caravane se compose de deux guides, d’un âne, j’énumère par rang d’ordre, le rang est un hasard et non pas un mérite, d’un géologue, d’un archéologue, d’un photographe, d’un botaniste et moi, qui, n’ayant pas de qualité, m’arroge celle d’historiographe de l’excursion.


En avant pour le Mont-Valier !… Le cœur plein d’ardeur, et l’imagination impatiente chevauche déjà à travers les pics et les vallées avec une légèreté qu’elle perdra au fur et à mesure que la fatigue appesantira nos sens. Nous traversons le village d’Arêt où nous remarquons l’ancienne maison de chasse des barons de Bethmale, et sur un mamelon du versant opposé, les ruines du vieux donjon de Bramevaque, environné d’une triple enceinte de remparts…puis apparaissent Samortein et Ayet, derniers villages de la vallée et enfin le lac de Bethmale. Il y a un art pour pêcher la truite avec succès, mais, je ne veux pas le livrer au public par une de ces coupables indiscrétions que ne me pardonnerait pas cette classe de pacifiques citoyens qui trompent les ennuis de la vie par un art honnête que j’estime sans le cultiver : la pêche à la ligne.
Par des larges lacets que les forestiers viennent de tracer, nous montons lentement la belle forêt de Cadus dont les hêtres magnifiques semblent aller d’une venue jusqu’aux étoiles…Plus tard nous dûmes avoir recours à un pâtre qui voulut bien nous accompagner jusqu’au « laquet d’Eychellé ». Nous nous engageâmes dans une gorge étroite, semée d’éboulis de « calschistes », et, à quelques pas du lac, sur les bords d’une abondante fontaine (1900m.) nous nous arrêtâmes pour déjeuner… »
« Vous étiez là comme moi mais mieux que moi avec l’indulgence de l’amitié, ne me lisez que pour me souvenir » c’est ce que dira L’abbé Cau-Durban au retour de son tour du Valier qui dura 3 jours pleins : les 3, 4, et 5 août 1885. Une expédition qu’il s’appliquera à retranscrire chaque jour sur son journal de bord avec l’humour qu’il lui convenait d’avoir en toutes circonstances. Ces quelques notes, observations, impressions pour les amis et les touristes comme il disait seront publiées sous le titre « Excursion au Mont-Valier par la vallée de Bethmale » édité à Foix en 1886.
Le Mont-Valier dont la réserve naturelle constitue un vaste territoire de 9037 ha, rattaché à la commune de Seix, domine l’intégralité de la vallée d’Angouls, mais aussi celles d’Estours, de Bethmale, du Ribérot et d’Orle. Il culmine à 2838 m, visible de loin, il est aisément repérable dans la chaîne à cause de sa forme trapézoïdale, relativement massive. Par temps clair, on peut l’apercevoir depuis la plaine toulousaine.